Livres Droit des logiciels

★★★★☆
François Pellegrini et Sébastien Canevet

Je ne pensais pas dire ça un jour d’un livre de droit, mais j’ai beaucoup aimé cet ouvrage ! Certes, le sujet n’est pas des plus sexy (on m’a déjà demandé si je faisais des études de droit, pour lire ça dans le bus). Et certes, ça ne se lit pas comme un roman : même si j’ai lu d’autres livres en parallèle, les presque 4 mois passés dessus prouvent que cela demande une certaine motivation. Mais les auteurs ont fait un bel effort pour rendre le sujet attrayant. Cet ouvrage revendique de s’adresser à des gens maitrisant le droit, mais pas vraiment le monde des logiciels, et vice-versa. J’étais plutôt dans le deuxième cas, donc, même si j’ai découvert à la lecture de ce livre que j’étais loin de connaitre la totalité des licences libres. Il faut dire qu’il y en a beaucoup ! Après avoir brièvement évoqué l’histoire des logiciels, les auteurs, un juriste et un informaticien, s’intéressent aux licences libres et à leurs avantages par rapport aux logiciels propriétaires, qu’ils désignent par le terme “privatif”, car ils considèrent qu’ils privent les utilisateurs d’un certains nombre de droit. Comme vous l’aurez compris, les auteurs sont plutôt favorables aux logiciels libres 😉 J’ai appris beaucoup de choses à la lecture de cet ouvrage. Je ne sais pas si je vais tout retenir, mais voici selon moi les points marquants :

  • En France, le régime légal des logiciels est celui du droit d’auteur. Si les droits patrimoniaux (exploiter, recevoir des sous, tout ça) sont cédés à l’entreprise qui l’emploie par le développeur d’une application, les droits extra-patrimoniaux sont eux incessibles : on ne peut pas les retirer à l’auteur. Il s’agit en particulier du droit de paternité : légalement, tous les logiciels doivent posséder des crédits, ou un générique, où sont cités les noms de tous les auteurs. De plus, cela inclut le droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre : l’auteur peut s’opposer à toute modification qui dénature son oeuvre, ou bien nuit à sa réputation. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, où le droit des logiciels est un droit plus commercial. Et c’est dommage, je trouve, imaginez si l’auteur d’un logiciel pouvait par exemple s’opposer à son rachat par Facebook au nom de sa réputation 😉
  • Il existe de nombreux types de licences libres. La plus utilisée, la GPL, est de type “diffusive”, c’est à dire qu’elle impose que les travaux dérivés du logiciel placé sous cette licence soient eux aussi placés sous licence GPL, ou sous licence compatible. Il existe aussi des licences persistantes, qui assurent que le code qu’elle protège restera sous licence libre, mais permettent de faire des travaux dérivés sous une autre licence ; c’est le cas par exemple de la LGPL et, si je me rappelle bien, de la licence Mozilla (MPL). Enfin, a l’extrême, il exite des licences evanescentes, comme la licence BSD, qui au contraire peuvent être retirées du code qu’elles protègent : c’est ce qui a permis par exemple à Apple de pomper l’OS freeBSD pour créer son Mac OS, et de se faire ensuite plein de sous avec sans rien devoir en contrepartie ! Les licences de ce type sont destinées à faciliter la propagation des logiciels libres, mais je trouve qu’elles ont le désavantage d’encourager à monétiser le travail d’autrui.
  • Le choix de la licence est important lorsqu’on décide de réaliser un logiciel libre : en effet, selon la licence choisie, les personnes qui reçoivent le logiciels pourront avoir le droit le modifier, le redistribuer, voire, si la licence n’est pas assez diffusive, de carrément passer le logiciel sous licence non libre… ce qui peut être contraire à la volonté de l’auteur d’origine, mais permis s’il ne choisit pas sa licence avec soin !
  • L’interaction entre des logiciels “privatifs” et des logiciels libres peut être compliquée par les licences ; appliquée à la lettre, la GPL implique que tout programme qui échange du code avec un programme sous GPL devienne libre ! Cela reviendrait à dire que tout programme s’exécutant sous le noyau Linux, qui est sous GPL, devrait devenir libre… Idéalement, le noyau devrait donc passer sous LGPL. Mais Linus n’est pas d’accord avec cette interprétation de la GPL, et a donc décidé de laisser le kernel sous cette licence. De même, j’ai appris que certains modules sous Linux, comme Ndiswrapper, qui sert à exécuter des drivers windows sous Linux (et qui m’a servi du temps où, pour installer un dongle wifi, seuls les drivers Windows existaient) n’a en fait aucun intérêt technique ! Sa seule utilité est de faire une interface entre des drivers sous licence privative et le système, sous licence libre, pour éviter qu’il n’y ait contact avec le système et donc diffusion de la licence libre vers le code du driver… dingue, non ? Je vais m’arrêter là, car je ne vais pas faire aussi long que le livre, mais comme vous pouvez le voir, il y a beaucoup de choses à dire et c’est intéressant ! Je remercie donc Taz qui m’a offert ce cadeau ; j’avoue que j’étais sceptique en le recevant, mais en fait je suis bien contente de l’avoir lue ! Je vous en conseille donc la lecture, si le sujet vous intéresse. Je peux le prêter si besoin ! 😉

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